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Tout a commencé par un accident. La chose bête, qui vous cloue inactif. Jo Nihouarn, plutôt que de tourner sa douleur en rond dans son chez lui, choisit d'aller voir dehors et d'observer ce qui vit à sa porte. Curieux de nature, chercheur de lumière d'essence, il laisse son oeil vagabonder sur les petites choses qu'on ne voit pas, ou plus, la faute à pas de temps et à la frénésie du monde. Son truc à lui, c'est l'infiniment petit. Il joue de la macro sur les ports de pêches, jamais n'arrête. Il dit la douceur des détails. Jo Nihouarn fait des photos comme on fait de la peinture. Ça tombe bien. Sur le slipway, du côté de Léchiagat, des peintres de gros oeuvre délestent leurs pinceaux de leurs couleurs sur un transformateur. Son oeil vagabond errant là, le gars Nihouarn promenant ses pattes a posé son trépied. Près, très près. Jusqu'à bousculer les échelles. Un tout petit centimètre est un terrain de football. 

 

Le minuscule est un monde. Son univers. Plein de silence et de couleurs. «Je pars seul, explique Jo Nihouarn, je ne veux pas que mon oeil soit pollué ou distrait par autre chose». Les rouilles qu'il photographie sont des ors. Les éclats de peinture des sculptures. Les noeuds sont des armées de fibre en marche. «Je ne travaille qu'en argentique. Pour la macro, c'est ce qu'il y a de mieux». Une question de rond, une question de grain, parce que la sensibilité de la pellicule, sa poésie, est autre chose que la carrure d'un pixel, parfois froid et anguleux. La nuance, toujours, qui transforme une coulure de peinture en lever du jour. Sur les quais, l'air affairé le long des coques, jouant du diaphragme et du temps de pose, Jo Nihouarn, passe parfois pour un fou, genre excentrique venu d'une capitale. «Il y a des gars du coin, curieux et circonspects, qui viennent parfois me demander ce que je fais. Alors je leur montre, souris Jo Nihouarn. Ils regardent par l'objectif et s'en vont, lâchant un ?ah ouais quand même?. Ils sont surpris». Le curieux qui fera le déplacement jusqu'au Triskell le sera aussi. Emballé, il pourra toujours filer à Briec, en mars, admirer une autre exposition que Jo Nihouarn consacre à son autre marotte, les bestioles ailées. Car le photographe, en plus de traquer l'éclat de peinture ou le point de rouille, chasse l'insecte, bête frivole qui se dérobe aux regards, pour en saisir une patte, une antenne, un regard presque Une vertigineuse plongée dans le monde du tout-petit.

Article de M.R du Télégramme de Brest